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Le 14/02/2018 au cours d’un échange avec des journalistes de la  presse présidentielle, le Président Macron a déclaré :

 « Je suis le fruit d’une forme de brutalité de l’Histoire.

Une effraction parce que la France était malheureuse et inquiète. »

Le 21 décembre 1977 naquit Emmanuel Macron dans une famille de la très bonne bourgeoisie médicale d’Amiens. Au pic des « Trente Glorieuses », il entre ainsi dans une famille parvenue au sommet de la méritocratie intellectuelle, le père neurologue, professeur au CHU local, la mère médecin conseil à la Sécurité Sociale.

Les bonnes fées se sont penchées longuement sur son berceau.

 

Il y a sept ans déjà que le film d’André Cayatte « Mourir d’aimer » sur les amours interdites d’une professeur de français et son jeune élève avait fait pleurer toute la France. Sa future épouse Brigitte approche alors de ses 25 ans et a déjà deux jeunes enfants. Peut-être a-t-elle aimé ce film ?

 

Giscard gouverne alors  le pays et n’a pas trop mal négocié les suites du printemps 68. Il a même eu la bonne idée de créer avec le Président Ford, en 1976, la French American Foundation qui saura reconnaitre plus tard tous ces « Young Leaders », libéraux  atlantistes fidèles, destinés à diriger la France de demain, François Hollande en 2012, puis le petit Emmanuel en 2017.

C’est que la gauche socialo-communiste devient menaçante et il faut donc penser à établir des contrefeux idéologiques face à l’avancée de la pensée marxiste. On retrouve ainsi parmi les membres fondateurs de cette fondation des personnages qui vont marquer les décennies à venir, tels Jean-Louis Gergorin, Thierry de Montbrial, Alain Chevalier futur créateur de LVMH, Olivier Chevrillon, futur créateur du Point proche du groupe  Esprit, de Simon Nora et du club Jean Moulin. De façon directe ou indirecte, ils traceront la marche du petit Emmanuel vers le mythique esprit de Progrès en marche vers la Réforme Universelle et le Centre libre et apaisé. Déjà, en 1965, Olivier Chevrillon, avec Simon Nora et Jean-Jacques Servan-Schreiber  avaient soutenu la candidature avortée au centre du socialiste modéré Gaston Deferre contre De Gaulle aux présidentielles de 1965.

 

L’Union de la Gauche remporte les élections en mai 1981. Je ne pense pas que la bourgeoisie notable d’Amiens se soit félicitée de la victoire de Mitterrand et du Programme Commun ; il faut bien reconnaitre qu’un tel programme sentirait le soufre populiste et n’aurait pas droit de cité dans la France de 2020. On mesure ainsi l’ampleur du repli idéologique de la gauche depuis 1981 devant les mirages de la société de consommation et de l’Europe mondialisée. Jacques Attali devient Conseiller spécial de Mitterrand entre 1981 et 1991 ; il accélèrera les carrières de Fabius, Hollande et Royal et se complaira dans un rôle de conseiller occulte de la République parlant aux oreilles des Présidents. Plus tard, il aidera le novice Macron à franchir les premières marches du pouvoir.

 

La bataille idéologique n’a pas tardé, souvent venue de la « gauche », elle-même, préparant déjà le « en même temps, de gauche et de droite », cette insaisissable deuxième gauche, glissant toujours plus à droite entre bobos et babas, libertaires et libéraux, Rocard et DSK.

Ainsi est créée la Fondation Saint Simon dès 1982 par Roger Fauroux, patron de Saint Gobain, et François Furet, historien révisionniste de la Révolution Française. Elle regroupe des entrepreneurs et des intellectuels de la gauche libérale "moderne" et veut rapprocher le monde de l'Entreprise et celui de la Haute Administration. Parmi ses initiateurs on trouve en effet Simon Nora, directeur de l’ENA, Pierre Rosanvallon, permanent de la CFDT, enseignant à IEP Paris et Henry Hermand, résistant, homme de gauche, créateur de centres commerciaux et futur mentor du jeune Emmanuel. En 1997, un quart des membres sont énarques. L’épouse de Simon Nora est une héritière des Maitres de forge Schneider. Leurs points communs : une détestation du communisme, une my(s)t(h)ification du progrès libéral, de l’Europe réunie et des Élites réconciliées.

On peut y croiser maints personnages dont le libéralisme atlantiste et européen de bon aloi ne cessera de s’affirmer : Alain Minc, (Usinor), A.Riboud (Danone), Jean-luc Lagardère, Marc Ladreit de Lacharrière (vice président de L'Oréal), J.L.Beffa (Saint Gobain), Christian Blanc (préfet puis PDG de la RATP, puis d'Air France), Jean Peyrelevade du Crédit Lyonnais,   Edmond Maire (CFDT), Emmanuel Le Roy Ladurie (historien), les philosophes Jacques Julliard (membre du Bureau national du SGEN et de la CFDT),  Marcel Gauchet, Luc Ferry, les journalistes  Jean Daniel, Laurent Joffrin, Serge July, Christine Ockrent, Anne Sinclair, Franz-Olivier Giesbert, Denis Olivennes et Jean-Pierre Elkabbach, le sociologue Alain Touraine, le politicien Bernard Kouchner et les économistes Thomas Piketty et Daniel Cohen.

Cette liste, non exhaustive, montre à quel point ce réseau d’influence a pu agir dans des domaines clés sur l’évolution de la société française. On ne sera qu’à moitié surpris en découvrant la proximité de dirigeants de la CFDT avec la Fondation. Le financement de la Fondation repose sur des cotisations conséquentes des membres et des entreprises proches. On peut compter aussi sur les apports de Henry Hermand et sur la générosité de la très conservatrice Fondation américaine M. Olin à l’égard des travaux de M. Furet.

Durant toutes ces années, jusqu’à son auto-dissolution en fin 1999, la Fondation a conduit une intense activité d’influence dans les milieux politiques et intellectuels et dans les sphères proches du pouvoir. Au rythme d’un diner mensuel et d’une dizaine de publications d’études socio-économiques dans l’année elle est devenue un facteur incontournable de la Pensée politique en France. Trois importants rapports d’orientation politique de différents gouvernements ont été rédigés sous la responsabilité de membres influents de la Fondation : rapport Nora-Minc sur l’informatisation de la société en 1977 sous la présidence de Giscard d’Estaing, rapport Minc en 1994 sur « La France de l’an 2000 » pour le gouvernement Balladur et commission Fauroux en 1995 sur l’évolution de l’Ecole et de l’Enseignement lors du gouvernement Juppé.

La Fondation participe activement au très libéral, atlantiste et discret club de la Haye regroupant entre 25 et 30 organisations européennes libérales. Ce très mystérieux club participe au dispositif d’endiguement de la pensée marxiste et des partis communistes en Europe et reçoit de nombreux financements du gouvernement américain via diverses fondations. Guerre froide Oblige !

La Fondation s’est autodissoute en 1999 après l’enterrement de la réforme des retraites de 1995 (déjà) et le renoncement de son candidat J.Delors pour la présidentielle de 1995.

 

On bouge aussi du côté des patrons après 1981. A.Roux, viré de la CGE aprés sa nationalisation en 1982, organise la résistance du capitalisme français, il dissout l'AGREF et crée l'AFEP, association française des entreprises privées, regroupant presque tous les patrons des grands groupes non nationalisés : L'Oréal,  Moët-Hennessy, Accor,  Lyonnaise des Eaux,  Béghin-Say de Jean-marc Verne,  Marine-Wendel,  la Compagnie Française des Pétroles, Michelin, Peugeot, Dumez, Chaussures André, Accor, Schneider, Air Liquide, Groupe Rivaud, Générale occidentale de Jimmy Goldsmith. Il invite même symboliquement David de Rothschild, alors au creux de la vague après la nationalisation de sa banque, remettant ainsi la Banque Rothschild, futur employeur de Macron, au cœur du capitalisme français et recrute François Pinault qui lui semble promis à un bel avenir. C’est une délégation de l’AFEP qui rencontrera secrètement le président Macron durant l’été 2017 pour accélérer la suppression de l’ISF. Ambroise Roux a du sourire dans sa tombe.         

La même année 1982, Claude Bébéar, figure montante de la nouvelle génération du capitalisme financier, futur maitre de l'Empire AXA, crée le club "Entreprise et Cité" avec Jean-René Fourtou, Didier Pineau-Valenciennes de Schneider. David de Rothschild rejoint également ce club, tout comme Vincent Bolloré, Jean-louis Beffa, Gerard Mestralet, Bernard Arnault ( qui dans un premier temps s'était installé aux USA après mai 81) puis Michel Pébereau. Le club est très proche au départ du Parti Républicain et dispose assez rapidement d'un fort potentiel d'influence et d'une bonne capacité à communiquer.

Dès 1982, presque tous les protagonistes de l’ascension de l’enfant Macron sont déjà en place et travaillent à la ‘modernisation’ libérale de la gauche et à une réconciliation fraternelle ou pas de l’entreprise et de la Nation. Dès 1983, le radicalisme du programme commun s’efface peu à peu derrière les mirages de la construction européenne.

 Laurent Fabius, ministre de l’Industrie et de la Recherche, puis ministre de la Modernisation industrielle, entreprend de lourdes restructurations dans les entreprises nationalisées qui lui valent l'estime du patronat ; deux de ses plus fidèles conseillers et amis, Louis Schweitzer et Serge Weinberg, se sont depuis illustrés dans le monde de l'entreprise.

Sous le gouvernement Fabius, l’immuable directeur de cabinet à tous les postes ministériels de Bérégovoy, entre 82 et 86, Jean-Charles Naouri, est un fin renard doublé d’un brillant mathématicien ; il est l’architecte de la politique de dérégulation financière en France avec la création du MATIF, du MONEP, des certificats de dépôt, des billets de trésorerie en 1984, de la loi bancaire dérèglementant le métier bancaire en 1986 : l’acte unique européen proclame dans son Art 16-4 que « Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée ». La promulgation de la loi Bérégovoy sur la dérèglementation financière en 1986 a ouvert ainsi la voie pour la future carrière éclair du banquier d’affaire Macron chez Rothschild. Jean-charles Naouri, lui, deviendra PDG du groupe Casino.

 

1982, c’est aussi le début de l’ascension de Jean-Pierre Jouyet dans les méandres de la Haute fonction publique et des rouages de l’Etat. Enarque de la promotion Voltaire, celle de François Hollande, Ségolène Royal, Dominique de Villepin, Henri de Castries, il se fait de bons amis. Il devient Maitre de conférences à l’ENA en 1982 puis va graviter dans cette machinerie interne de l’Etat ce qui lui permettra plus tard de propulser le futur énarque Macron vers les sommets.
Homme de cabinet, il dirigea celui de Roger Fauroux au ministère de l'Industrie (1988-1991), co-dirigea celui de Jacques Delors alors président de la Commission européenne (1994-1995) et celui du Premier ministre Lionel Jospin (1997-2000). On le retrouve secrétaire d’état sous Sarkozy puis secrétaire général de la Présidence sous Hollande. C’est en quelque sorte le couteau suisse de la République cet homme-là !

JP.Jouyet n’apparait pas dans les rangs de la Fondation Saint-Simon mais il s’implique largement au sein du PS et des clubs Témoin pour préparer une candidature de Jacques Delors à la présidentielle de 1995 ; il fait partie des « 12 apôtres » de J.Delors cités dans un article de l’Exprès en 1994 : Ségolène Royal, Jean-Yves Le Drian, François Hollande, Elisabeth Guigou, Louis Mermaz, Pierre Joxe, Helmut Kohl, Pascal Lamy, Philippe Lagayette, Jean-Pierre Jouyet, Jean-Baptiste de Foucault, José Bidegain. Jean-Pierre Jouyet épousera en deuxième noce, le 28 janvier 2006, Brigitte Taittinger, des champagnes homonymes ; François Hollande est son témoin. Que du beau Monde !

 

Dans un autre monde, interlope, celui de la nuit et des braqueurs, la décennie 80 voit la montée en puissance de Michelle Marchand avec des passages par la case prison en 1986. Elle tisse ses réseaux sur l’écume des nuits du tout Paris à l’époque de Régine mais retombe dans des affaires de justice en 1994 au volant d’une fourgonnette avec cinq cents kilos de résine de cannabis dealés par son mari, repris de justice et braqueur notoire. Elle rebondira juste à temps dans les années 2000, pour devenir la reine des paparazi et de la presse-people, puis conseillère en communication auprès du couple Macron à l’Élysée sur les recommandations d’un ami commun, le milliardaire Xavier Niel. Mimi et Xavier s’étaient rapprochés dans les années 2003, alors qu’ils se trouvaient en détention préventive, lui pour des suspicions de proxénétisme et elle, d’escroquerie.

 

Dominique Strauss-Kahn et Raymond Lévy, PDG de Renault, créent le Cercle de l'industrie en juin 1993, création facilitée grâce à l’entregent de Maurice Levy, PDG de Publicis, le groupe de publicité dont l’héritière est l’écrivaine Elisabeth, épouse de Robert Badinter. Il s'agit d'un cercle spécialisé dans la défense de l'industrie française à Bruxelles et financé par elle. DSK en devient le vice-président et y côtoie des personnalités et industriels comme Louis Schweitzer, Vincent Bolloré, Alain Lamassoure, Benoît Potie.  Le cercle comprend statutairement deux vice-présidents, un socialiste et un de droite, le premier vice-président socialiste était Strauss-Kahn et le dernier, Pierre Moscovici jusqu'en 2012, alors que le président actuel est Philippe Varin président de PSA.

Le parcours de DSK vers les années 2000 présente alors des points de rencontre possibles avec le trajet du jeune Emmanuel qui fréquente l’IEP Paris de 1998 à 2001 puis l’ENA de 2002 à 2004. DSK incarne à cette époque l’image d’un socialisme libéral moderne et ses compétences présumées et médiatiquement reconnues lui laissent entrevoir les plus hautes fonctions. Certainement un modèle à suivre pour l’ambitieux Emmanuel qui ronge son frein après avoir échoué deux ou trois fois à l’écrit de Normale Sup. Peut-être Emmanuel a-t-il eu DSK comme professeur à l’IEP ou à l’ENA et se sont-ils croisés au PS ?

 

1998 : c’est l’année de l’instauration de la loi Aubry et des 35 heures après la victoire de la gauche aux législatives. Il y a dans cette loi toutes les ambiguïtés du libéral-socialisme à la française. On y trouve tout à la fois des avancées sociales sur la répartition et le temps de travail mais aussi un centralisme bureaucratique laissant peu de place aux ajustements et adaptations nécessaires. De plus, les compensations financières accordées aux entreprises sous forme de réduction de charges viennent impacter les dépenses sociales de près de 17 milliards d’euros (chiffres du Sénat) et affaiblir un peu plus le système d’assurances sociales adossées sur le travail et cogérées par salariés et employeur. Cette pression financière a conduit à une application tronquée de la loi dans la fonction publique  sans ouverture d’embauches supplémentaires et a créé de grandes difficultés dans les hôpitaux publics. Une partie de la facture a été payée par les usagers sous forme de restriction des services, la plus grande partie a été réglée par le blocage du point d’indice des fonctionnaires. Cette philosophie de la loi, centrale, globale, autoritaire, assortie d’un transfert des charges sociales du travail vers l’état par un système à points inspirera fortement les choix futurs de Macron et de ses mentors. On ne sera pas surpris de découvrir que nombre d’anciens des deux cabinets successifs de Martine Aubry ont pu trouver de bonnes places à la tête de grands groupes français, tels Guillaume Pépy à la SNCF, Dominique Marcel à la Compagnie des Alpes, Jean-Pierre Clamadieu chez Rhodia puis président d’ENGIE, Gilles Gateau DRH d'EDF, Muriel Pénicaud DRH de Danone, Jean-Christophe Sciberras DRH de Rhodia, Yves Barou DRH de Thales et David Azéma  chez Vinci, puis numéro deux à la SNCF et enfin banquier à la Bank of America et associé du fonds Perella Weinberg Partners. Ils forment encore aujourd’hui un réseau d’influence et de soutien très efficace connu sous le nom de « Canetons du Chatelet » en référence au siège du cabinet de Martine Aubry.

Martine Aubry est en fait très proche des positions de son père J.Delors et de la Fondation Saint-Simon et ambitionne également de réconcilier l’Entreprise et la Gauche. C’est ainsi qu’en 1993 elle avait créé sa fondation « Face » destinée à favoriser l’emploi des Jeunes en difficulté avec l’aide d’Alain Minc  et JP Fitoussi et le soutien de Jean Gandois (Pechiney), Antoine Riboud (Danone), Antoine Guichard (Casino), Louis Schweitzer (Renault), Jérôme Monod (Lyonnaise des eaux), Claude Bébéar(Axa), Marc Ladreit de Lacharrière ( Fimalac ), Manpower en 2002 puis AG2R La Mondiale en 2007.  On commence à percevoir quelques-unes des mailles d’un discret réseau.                                                                                                                                                                          

 

Dès les années 2000, l’ambitieux Emmanuel cherche à entrer dans ces réseaux actifs qui pourraient servir au mieux son ambition présidentielle naissante. C’est ainsi qu’il  parvient à se faire admettre  au comité de rédaction de la revue « Esprit » et commence une discrète collaboration avec le philosophe Paul Ricoeur. Peut-être y croise-t-il déjà son futur mentor, Henry Hermand, devenu multimillionnaire ?,

Mais c’est à l’ENA que le destin de Macron va se sceller et qu’il va rencontrer ses bons génies : Jean-Pierre Jouyet qui dirige l’inspection générale des Finances, IGF puis Henry Hermand à l’occasion d’un stage dans la préfecture de l’Oise

En 2007, il bénéficie du German Marshall Fund, qui lui permet de découvrir les États-Unis, pays où il effectuera par la suite un stage pour la banque Rothschild ; il participe ainsi au programme Marshall Memorial Fellow destiné à repérer et promouvoir les futurs leaders d’opinion pouvant favoriser les relations USA-Europe en particulier en Europe centrale et dans les Balkans, cibles traditionnelles de l’influence allemande. Ce programme germano-américain a été créé à l’initiative de Willy Brandt en 1972 et relancé par la chancelière Merkel en 2006.

Cette année 2007 marque vraiment l’entrée du novice Macron dans les arcanes du pouvoir politique et économique. C’est l’année des élections présidentielles ; le PS est en course encore et DSK pourrait bien être vainqueur face à Sarkozy mais c’est Ségolène Royal qui gagne la primaire du PS alors ouverte aux seuls adhérents.

 

C’est alors qu’apparait dans le paysage médiatique un mystérieux groupe de pression sous l’intitulé des ‘Gracques ’-du nom de deux frères, antiques réformateurs romains-et demandant une alliance du PS avec l’UDF de Bayrou. Sans doute faut-il y voir une résurgence de la fondation Saint-Simon dissoute en 1999. Ce groupe se constitue en association présidée par Bernard Spitz, maître des requêtes au Conseil d'Etat, reconverti dans le monde des assurances (Président de la Fédération française de l'assurance et du Pôle international et européen). On y trouve des personnalités telles que Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire Général de l'Elysée, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, Mathieu Pigasse, Homme d'affaires, banquier, patron de presse, Denis Olivennes, patron de presse, Mathilde Lemoine, économiste, l’écrivain et académicien Erick Orsenna, l’historien au CNRS Pascal Blanchard, le professeur de médecine René Frydman, Guillaume Hannezo (gérant de FDR finance).

Grâce au soutien de ses deux mentors, Jouyet et Hermand, Macron ne tarde pas à se rapprocher des « Gracques » dès 2008 avec la perspective d’en devenir l’un des champions lors de futures présidentielles. C’est d’ailleurs lui qu’on retrouve à la tribune pour la clôture de la cinquième université d’été des Gracques en 2015.

Il faut dire qu’entre temps, c’est Sarkozy qui a remporté la Présidentielle de 2007 mais le missile Macron des Gracques a réussi à se faire adouber dans la Commission Attali en tant que rapporteur général adjoint dès 2007. Il en deviendra membre participant en 2010. La liste de ces membres est très représentative des élites mondialistes et libérales mode Attali. On y trouve l’académicien Orsenna, le spécialiste de la résilience Cyrulnik, Mario Monti, conseiller chez Goldman Sachs, président du groupe Europe de la Trilatérale, futur président du Conseil Italien, l’ancien secrétaire général de la CFDT Kaspar et le futur président du MEDEF Roux, le puissant président d’AXA Bébéar et donc le futur président Macron.

 

C’est en 2007 également que le jeune Emmanuel épouse Brigitte, son ancienne animatrice de théâtre au Lycée en classe de seconde, de près de vingt cinq ans son ainée et déjà mère de trois grands enfants. Son témoin est son fidèle mentor et conseiller Henry Hermand qui aidera le couple à s’installer à Paris. Brigitte Macron, ex Trogneux, divorcée depuis l’an 2000, avait même obtenu un poste de professeur de lettres à partir de 2000  au prestigieux Lycée privé Saint Louis de Gonzague.  Elle aura comme élève les enfants Frédéric et Jean de Bernard Arnault. Elle se rapprochera du clan Arnault au fur et à mesure de l’ascension d’Emmanuel. Elle devient ami du couple Delphine Arnault-Xavier Niel et tisse tout un réseau d’influence dans ce vivier du pouvoir proche du Lycée Franklin. La marche vers la présidence est maintenant lancée.

 

2008, c’est l’année de la Crise financière majeure, brutale qui a failli emporter le système bancaire mondial. Sur les conseils d’Alain Minc et avec les recommandations d’Attali et Weinberg le fringant Emmanuel est embauché chez Rothschild ce qui va lui permettre d’enrichir à la fois son compte en banque et son carnet d’adresses auprès des puissants de ce monde. Il y connait une ascension fulgurante jusqu’à sa rentrée à l’Elysée en 2012 auprès de François Hollande. Il s’est même entremis bénévolement en 2010 dans la négociation pour le rachat du journal Le Monde par Berger-Niel-Pigasse mais l’ancien président de la société des rédacteurs, Adrien de Tricorno, l’accuse d’avoir joué double-jeu avec Minc, autre repreneur potentiel. Il n’y a rien gagné, si ce n’est en influence et en notoriété dans le monde des puissants.

commission Attali

commission Attali

Le parcours politique du tout jeune Promu entre 2007 et 2012 est un sans-faute digne des plus vieux routiers de la politique. Il doit remercier l’entregent et la perspicacité de ses deux mentors Jouyet et Hermand auxquels aucune péripétie du monde politique parisien ne peut échapper. Il a décliné en 2006 une offre de Laurence Parisot pour la direction générale du Medef. Deux fois il aurait pu entrer dans le gouvernement de Sarkozy, en 2007, dans le cabinet du ministre Woerth, en 2010, dans le cabinet du premier ministre Fillon, mais il a écarté ces deux offres pour ne pas écorner son image d’homme nouveau, au-delà des partis anciens. Il n’en a pas moins soutenu F.Hollande dans la primaire socialiste de 2012 alors que DSK-avant l’affaire du Sofitel-partait grand favori et correspondait mieux à ses options. On peut penser que ses deux anges gardiens, l’avait informé des chausse-trapes que Sarkozy avait monté contre DSK avec la rocambolesque affaire de prostitution du Carlton de Lille et de « Dodo la Saumure »!

 

Sarkozy est donc battu aux élections de 2012, victime de son impopularité personnelle et aussi de la crise de 2008. C’était prévisible et c’est donc Hollande, socialiste mou à la mode Guy Mollet qui lui succède. On remarquera au passage que Henry Hermand a déclaré dans une interview au Figaro avoir soutenu  Hollande, y-compris financièrement. Certes, ce n’était pas le Président attendu si longtemps par nos tenants d’un social-libéralisme éclairé et consensuel, réconcilié avec le monde de l’entreprise, tel que l’avaient prôné les clubs Jean Moulin, la Fondation Saint-Simon ou les Gracques, mais faute de mieux, il ferait un bon président de transition.  Après la faute de DSK tous leurs espoirs se portaient donc vers Macron pour la présidentielle suivante.

Par soucis de simplification nous désignerons ce groupe de soutien à Macron plus ou moins informel et constitué sous le vocable des gracs car Macron a été rapporteur de l’université des Gracques en 2015 et s’est largement inspiré de leurs programmes. Ces gracs ont-ils un bureau directeur, un comité stratégique ? Il est difficile de penser qu’ils n’ont agi que par collusion d’intérêts ou par opportunisme au gré des circonstances. Jouyet et Hermand ont joué un rôle certain d’entremetteur, d’initiateur et de coordinateur mais je pense que l’équipe dirigeante devait être plus vaste et plus puissante et comporter divers réseaux associés, presse, finance, entreprise. On pourrait assurément en trouver certains parmi les noms cités précédemment dans ce texte. Minc et Attali semblent y avoir joué un rôle et ce dernier aurait même déclaré avec sa modestie habituelle : « Emmanuel Macron ? C’est moi qui l’ai repéré. C’est même moi qui l’ai inventé. Totalement. » (propos rapportés par Anne Fulda dans son ouvrage sur Macron).

 

Ainsi, Hollande n’a été qu’un président de transition, un président tremplin pour le président Macron des gracs. Assurément il était européiste et atlantiste à point, ex Young Leader prêt à soutenir les guerres étatsuniennes de la Libye au Mali, Syrie comprise ; il était proche de leur mouvance comme le montre le choix de sa plume, Paul Bernard, ancien de Normale sup, diplômé d’un DEA sur la littérature napoléonienne, ancien chargé de mission chez Publicis auprès de Maurice Lévy, co-rédacteur avec JP.Jouyet d’un  rapport commandé en 2006 à Maurice Lévy par le ministre des Finances Thierry Breton, sur l' « économie de l'immatériel » et membre du Mouvement juif libéral de France (MJLF). Mais Hollande n’était pas le président de rupture que les gracs attendaient, il était encore trop attaché aux valeurs traditionnelles du socialisme républicain pour faire passer en force une vraie purge libérale et néo-conservatrice et mettre à bas les acquis du CNR. On retrouve néanmoins dans son cabinet pas moins de six Young Leaders et, point trop n’en faut, JP.Jouyet devient secrétaire général de l’Elysée en 2014.

Macron rapporteur des Gracques

Macron rapporteur des Gracques

Le quinquennat d’Hollande démarre en fanfare pour Macron : Il est choisi sur la liste des 10 Young Leaders de l’année 2012 par la French American Foundation et devient secrétaire général adjoint du cabinet du président Hollande retrouvant ainsi tout un groupe fourni d’anciens Young Leaders. La France est vraiment la bonne élève des USA !

       Cette fonction lui permet d’enrichir encore son carnet d’adresses déjà bien rempli. C’est ainsi qu’en 2013 il sera de bon conseil pour aider M. Lagardère à réussir sa sortie du groupe EADS avec rachat d’actions et plus-value de quelques milliards payés sur la trésorerie du groupe. Il a été assisté sur ce coup par un ancien du cabinet Aubry, David Azéma. Il suivra de très près les négociations de la vente de SFR à Altice ou Bouygues d’autant plus que l’un des entremetteurs financiers est l’un de ses amis, Bernard Mourad, banquier chez Rotschild, devenu par la suite  DG de BFM TV puis conseiller spécial du candidat Macron. Les relations du couple Macron avec les milliardaires Niel et Arnault sont au beau fixe et Xavier Niel présente Mimi Marchand aux Macron pour faire taire les rumeurs sur une liaison homosexuelle d’Emmanuel et embellir leur image People. Ils peuvent compter aussi sur le responsable sécurite du groupe LVMH, Bernard Squarcini, ancien directeur des services secrets. Les Macron ont choisi leur camp.

Le quinquennat d’Hollande est à l’image de ses premières sorties publiques, ridicules et catastrophiques sous la pluie ou le crachin breton. Et les médias n’en finissent pas de nous étaler les gourdes et maladresses du président normal. Le Hollande-bashing bat son plein comme l’attestent ces quelques couvertures d’hebdomadaires à l’automne 2012. Tout le monde médiatique y met du sien en un intense tir de barrage destiné à faire avorter toute mesure présentant le moindre soupçon de socialisme un peu trop redistributif.

Hollande et les médias!

Hollande et les médias!

C’est ainsi qu’on voit se lever tout un bestiaire de martyres du Fisc, les Pigeons contre les taxes sur les plus-values à la revente de start-up (leur porte-parole, le financier J.D. Chamboredon, recevra la légion d’honneur avec Macron !), les Poussins auto-entrepreneurs, les Dindons frontaliers, les Abeilles de la taxe Marisol, les Moutons des Indépendants, les Tondus des PME, les Dodos des taxis VTC jusqu’aux Cigognes des sages-femmes.

Tout ce concert de volatiles divers est complaisamment repris et commenté sur tous nos médias alimentant ainsi un ras le bol fiscal croissant. A cela vient s’ajouter le mouvement des Bonnets rouges contre l’écotaxe- issue pourtant de la précédente mandature- mouvement radical, très structuré et violent, qui met à mal l’autorité de l’état et entrainera plus d’un milliard de pertes financières pour les caisses de Bercy. Il est pourtant bien vu dans nos médias avec un petit air sympa de Thierry la fronde ou de Robin des Bois. Les patrons bretons proches de l’Institut de Locarn, du Club des Trente ou du Club Bretagne à Paris ont largement contribué à l’organisation de ces actions. Patrick Lelay de TF1, Jean Yves Le Drian sont des membres influents de l’institut Locarn et on rencontre au club Bretagne d’autres patrons de la trempe de Michel Edouard Leclerc ou Vincent Bolloré. Les Bonnets  rouges forment ainsi un singulier mélange  de régionalistes bretons, de catholiques traditionnalistes (parfois proches de l’Opus Dei) et de patrons mondialisés. Globalement ils roulent pour la droite dure version Fillon et pour la Manif pour tous.

Car la seule mesure à laquelle Hollande s’accroche contre vents et marées c’est le Mariage pour tous comme drapeau emblématique d’une gauche Bobo urbaine bien éloignée des contingences du quotidien et creusant un peu plus le fossé qui la sépare de sa majorité sociologique. Il fédère ainsi toute une partie de la droite catholique qui se regroupe derrière La Manif pour tous. Le harcèlement médiatique conjoint des  droites et des gracs déstabilise complètement le gouvernement et rompt le fragile équilibre financier de son programme. Le rapport Gallois sur la compétitivité française commandé par Jean-Marc Eyraud, et préconisant l’arrivée du CICE, vient allumer le feu dans les rangs de la gauche elle-même. La situation géopolitique et l’intervention de la France au Mali viennent encore plus fragiliser l’exécutif qui semble alors dépassé et désorienté dans les  tourbillons de la tempête.

Le coup de grâce est porté en Janvier 2014 par les bons soins de la reine des paparazi, Mimi Marchand et son agence Bestimage. Elle est à l’origine de la fameuse Photo de Hollande, son scooter et son casque, en flagrant délit de faire le mur de l’Elysée pour aller voir sa blonde Julie. La photo de Closer fera le tour du monde. L’immense Manif pour tous de février 2014 accélèrera la chute du gouvernement Eyraud en mars 2014. Manuel Valls devient Premier Ministre, JP.Jouyet devient secrétaire général de l’Elysée et Macron devient ministre de l’économie. Les loups sont dans la bergerie.  La voie de l’Elysée est ouverte pour 2017.

Macron est accueilli dans nos médias tel le Mozart de la Finance  ou le génie du siècle, pianiste, philosophe, novateur ou dynamiteur de l’ancien monde. De nombreuses  Unes des magazines lui trouvent toutes les qualités comme on peut le voir sur la photo ci-dessous. Tout juste nommé il va, contrairement à son prédécesseur Montebourg, autoriser la vente de SFR à Numéricable. Il s’ensuivra la perte de 5000 emplois  en dépit des promesses de P.Drahi. Mais Macron aura ainsi gagné un précieux allié propriétaire de BFM-TV, Libé, l’Express, l’Expansion et RMC.

Le "prodige" Macron

Le "prodige" Macron

Le grand œuvre de Macron à son ministère est sans nul doute la loi pour la croissance dite loi macron, issue en droite ligne de la commission Attali et petit bijou d’érosion feutrée mais très finement ciblée de l’architecture sociale du CNR. La loi macron fait suite à la loi ANI de « sécurisation de l’emploi » de 2013, prototype de l’inversion de langage du libéralisme, forme de schizophrénie habituelle de la publicité vantant les qualités extraordinaires d’un produit dont les minuscules lettres illisibles en bas d’écran dénoncent les dangers objectifs. Ici, en l’occurrence, la sécurisation de l’emploi signifie l’avancée de la flexibilité et le recul des droits du salarié dans les contrats de travail. Même les avancées apparentes en terme de formation peuvent masquer une emprise patronale ou apparaitre comme des alternatives au licenciement ou au chômage partiel. Les compétences des prudhommes et leur pouvoir de sanction sont restreints. Les médias dominants communiquent surtout sur la formation et la mutuelle santé obligatoire. Mais cette mutuelle santé n’est que le résultat d’un recul constant des prestations de la Sécurité sociale lié au manque à gagner du chômage de masse et des exonérations partielles de charges patronales. L’instauration de cette mutuelle revient donc à privatiser une partie de la protection sociale et il y a fort à parier que ce transfert et les cotisations salariales associées grandiront au fur et à mesure que les exonérations de charges patronales pour la SS se poursuivront. C’est ainsi qu’en 2020 les tarifs des mutuelles annoncent une hausse de 6% après la transformation du CICE en exonération de cotisations patronales.

La loi macron complète et durcit la loi ANI. Rien ne lui échappe du champ de l’organisation du travail : dérèglementation partielle des professions du droit permettant plus d’ouverture à des capitaux externes et favorisant les grands cabinets,  démantèlement du système  taxis G7 au profit des multinationales américaines  mode Uber, transport par autocar  inter-régional en concurrence avec des lignes SNCF, facilitation du travail de nuit ou du dimanche, restriction discrète du champ du droit du travail au bénéfice du droit civil, limitation du champ d’action et des prérogatives des prudhommes, contrôle strict et quasi mise sous tutelle de leur fonctionnement, forte limitation de l’action et du pouvoir de sanction de l’Inspection du travail, contournement possible de la médecine du travail par l’emploi de médecins généralistes, facilitation des licenciements et des procédures des plans sociaux pouvant conduire dans certains cas à l’absence totale d’indemnisation et enfin dépénalisation de l’entrave au droit syndical. (lire l’étude détaillée de G.Filoche). En bref, une destruction massive du  monde salarial sous le velours mortuaire du libéralisme « social ».

Comble de l’hypocrisie cynique et sans doute, conseil d’Hermand ou Jouyet, Macron joue la pédale douce avec les députés socialistes affectant de leur laisser le temps du débat. Il se doute bien que la Fronde va bientôt se lever dans leurs rangs et alimenter les divisions. Une frange socialiste de gauche se dessine conduite par  Benoit Hamon. Le premier Ministre Manel Valls se voit obligé de faire passer la loi à coup de 49-3 et se grille auprès de beaucoup d’électeurs socialistes. Cet épisode explique en partie les résultats de la future primaire du PS en 2016. En parallèle, fin 2014, c’est le début de l’affaire Jouyet-Fillon révélée dans l’Obs par référence à des propos de Jouyet à deux journalistes du Monde : Fillon aurait sollicité un entretien pour faire accélérer les procédures d’enquête concernant Sarkozy. Malgré la plainte de Fillon pour diffamation l’affaire s’est terminé en appel en 2016 par une relaxe générale. Il en restera toujours quelques traces pour la future primaire de la droite et les présidentielles!

L’antagonisme Valls-Macron se durcit encore plus à l’approche de l’année 2016 ; Macron ne réussit pas à avoir la main libre sur la loi travail mais insiste pour que les mesures de limitation des pouvoirs des prudhommes soient maintenues et que le montant des indemnités de licenciement soit baissé. Peut être choisit-il aussi ce moment pour sortir du gouvernement sans que les échos négatifs de la loi El Khomry ne l’atteignent trop personnellement. En avril 2016, il crée son mouvement « En Marche » affichant ainsi ses futures ambitions présidentielles et démissionne du gouvernement en aout. La course à l’Elysée 2017 est maintenant ouverte ! L’effraction est en cours !

La démission de Macron et son entrée en pré-campagne crée une effervescence médiatique à la hauteur de ses réseaux d’influence et de ses multiples mentors ; rien que le jour de son départ il a droit à près de 20 minutes de JT sur chacune des chaines France 2 et TF1 sans compter des éditions spéciales en soirée ; il fait les Unes de la quasi-totalité des journaux papier. Le « matraquage médiatique de la marque Macron » dont parte l’analyste Thomas Guénolé dans Marianne atteint  42% des parts de voix dans les médias lors des 6 derniers mois de 2016 ce qui le conduit à une audience de près de 20% dans les réseaux sociaux. Même Bayrou, avant son ralliement dénonçait en septembre 2016 : « Il y a là une tentative qui a déjà été faite plusieurs fois de très grands intérêts financiers et autres qui ne se contentent plus d’avoir le pouvoir économique. »

Les Médiacrates

Les Médiacrates

Il manque dans cette liste la première fortune de France L’Oréal de Françoise Bettencourt qui n’est pas directement impliquée dans les médias. Mais son budget média, l’un des plus importants au monde, confié à Publicis, en fait un acteur incontournable dans l’équilibre financier des médias et dans le monde politique.

Même le Forum économique mondial de Davos s'empare de la personne de Macron pour la mettre sur un piédestal mondial en le désignant Young Global Leader (YGL), jeune leader mondial. Il fait ainsi partie de la promotion 2016 des 121 «hommes et femmes de moins de 40 ans, scientifiques, chefs de gouvernement, futurs chefs d'entreprise, activistes sociaux qui façonnent la politique, la société et le monde qui les entourent».

Tout ce beau monde veut donc mettre Macron sur le fauteuil de l’Elysée. Comme on l’a vu ci-dessus, pour le plan média, les soutiens sont là en force. Les réseaux d’influence potentiels sont importants mais il faut maintenant une structure et des équipes mais aussi des sources de financements organisées.

 Macron étant en quelque sorte le successeur de DSK pour porter le projet de libéralisation réformiste dans la lignée de la fondation Saint Simon et des gracs il était évident qu’il puisse bénéficier de l’équipe des Jeunes de l’ancien directeur du FMI. Beaucoup sont encore en poste d’attachés ou conseillers auprès d’élus du PS en Ile de France. Stéphane Séjourné est le premier à entrer officiellement au service de Macron dans son cabinet au ministère de l’économie ; il est chargé précisément des relations avec les élus. Il était auparavant au cabinet de Jean-Paul Huchon après avoir fait partie de l’équipe de DSK. Il avait milité au PS lors de ses années d’étude de droit à Poitiers et avait entrainé plusieurs militants avec lui dans l’équipe de DSK formant ainsi la bande de Poitiers. On trouvait dans cette bande, Guillaume Chiche, Pierre Person, Sacha Houlié, Florian Humez et Jean Gaborit; ils vont s’illustrer  dès 2015 en créant le mouvement « Les Jeunes avec Macron » JAM sensé être né d’un enthousiasme spontané mais discrètement hébergé dans un local prêté par Hermand. Ils créent dans la foulée une association de financement. (Les trois premiers cités deviendront députés LREM, Humez ira au cabinet de Mounir Mahjoubi, le cas Gaborit est intéressant car il succédera au poste de Benalla à l’Elysée).

Le premier secrétaire général d’En Marche est Ludovic Chaker parlant chinois et arabe, proche des forces spéciales et rompu aux méthodes d’organisation ; il est maintenant conseiller auprès du chef d’Etat Major à l’Elysée. Il s’occupe de l’organisation de la Grande Marche en mai 2016. La méthode consiste à faire du porte à porte ciblé afin de sensibiliser les électeurs et de recueillir leurs attentes ; elle s’inspire de la campagne présidentielle d’Obama et elle a été formalisée et adaptée par une startup LMP fondée par Liegey, Muller et Pons en 2013. LMP a ainsi créé un logiciel de ‘campagne électorale’ adapté aux diverses circonscriptions, intégrant les composantes socio-économiques et électorales. Le logiciel, Cinquante plus un, a été développé et affiné lors de diverses élections avec JP Huchon et lors de l’élection de Hollande. Les quelques milliers d’interviews réalisées lors de la Grande Marche ont fait l’objet d’un traitement informatique par la société Proxem en vue d’en extraire des éléments de programme et de com. On peut légitimement s’interroger sur la pertinence de l’image obtenue et en particulier sur l’écho rebond de la forte campagne médiatique en cours sur les sondés. De nombreux militants des JAM participent à cette opération largement médiatisée et viennent ajouter la touche de jeunesse et de nouveauté revendiquée. Le marketing électoral  et la com se substituent complètement aux enjeux et aux choix politiques. On retrouve parmi la garde rapprochée de Macron les fidèles jeunes de DSK, B.Griveaux, Stanislas Guerini, Ismaël Emelien, Cedric O, Sibeth Ndiaye et quelques parvenus tels Julien de Normandie dont le père co-dirige le groupe Korian de maisons de retraite médicalisées ; après la chute de DSK, la plupart avait trouvé des places auprès de grands barons du PS, Moscovici, Cambadélis, JP Huchon, Marisol Touraine, JM.Le Guen ou G Collomb, Réformateurs ou anciens partisans du patron du FMI. L’effraction du PS était déjà largement avancée ! Le parti n’attendait plus que l’implosion Macron.

Restait à alimenter la caisse officielle : on a choisi la méthode Start-up-comme celle que e2m avait un temps voulu monter avec Emelien (conseiller spécial viré après l’affaire Benalla et recasé chez LVMH)  et de Normandie ( devenu ministre du logement) en 2014 avant de devenir Ministre. Le directeur de l’association de financement est à titre bénévole, Christian Dargnat, ancien PDG de BNP Paribas Assets managements au carnet d’adresses bien rempli ; sa fonction consiste à démarcher les poissons pilotes, riches donateurs à 7500 €, parmi les cadres supérieurs, les financiers ou les entrepreneurs ; Un autre bénévole de poids est appelé en renfort pour cette collecte : Bernard Mourad, ex-banquier d’affaires et ex président d’Altice media group , réputé proche de Xavier Niel et Patrick Drahi. Il est assisté pour cela de Cedric O qui va organiser la soirée French Tech à Las Végas en 2016. L’objectif est d’en trouver 1300 pour racler 10 millions d’euros. Un seul déjeuner à Londres au domicile privé de la directrice financière d’un site de vente en ligne  a permis de réunir environ 280000 euros pour la collecte de fonds de Macron. C’est un bon placement pour ces gros revenus, gros patrimoines et gros donateurs, même s’ils donnent deux fois, en 2016 et 2017, au parti et au candidat, soit 20000€ maximum, le contribuable leur en rembourse déjà les 2/3 soit environ 13400. Il leur en coute donc 6600€ en tout. Les réformes de Macron sur l’ISF et la Flat tax sur le plan fiscal vont leur rapporter beaucoup plus. Dans l’étude du Comité d’évaluation des réformes fiscales d’octobre 2019, deux des cas-types cités montrent des gains fiscaux annuels de 120000€ et 30000€ correspondant au profil des donateurs recherchés. Sans compter les avantages consentis aux entreprises en matière de libéralisation par la loi travail. Le don Macron est donc un excellent placement pour ces catégories sociales supérieures. Il se révèlera par contre désastreux pour les classes moyennes, plus particulièrement pour les retraités !

Le directeur de campagne est Jean-marie Girier, du serail lyonnais de Collomb et Réformateur apte à discuter avec les Jupéistes. Alexis Kohler, ex chef de cabinet devenu fidèle de Macron est très actif pendant la campagne alors qu’il est directeur financier de MSC, deuxième entreprise mondiale de fret maritime avec laquelle il a des liens familiaux. Il devient après l’élection secrétaire général de l’Elysée. Il a fait l’objet de plusieurs plaintes d’anticor pour d’éventuels conflits d’intérêt relatifs à MSC, les chantiers navals STX et le port du Havre dont le maire était Edouard Philippe. Richard Ferrand, du sérail socialiste breton, directeur des Mutuelles de Bretagne, devient secrétaire général de LREM puis ministre et enfin président de l’Assemblée Nationale après les présidentielles. Le 11 septembre 2019, le parquet de Lille a annoncé la mise en examen de Richard Ferrand pour prise illégale d'intérêts lors de ses fonctions aux Mutuelles de Bretagne en rapport avec les activités de sa compagne. La caisse est bien pleine, l’équipe de campagne est bien rodée mais la concurrence est rude et l’effraction n’est pas certaine.

 

Les deux concurrents principaux donnés favoris par les sondages sont Manuel Valls et Alain Juppé ; Marine Le Pen est bien placée mais depuis plusieurs années elle fait office de repoussoir pour le second tour, l’objectif de tout candidat est donc d’arriver premier ou second du premier tour avec le FN. Mais Ils doivent passer le cap de leur primaire respective.

La première primaire est celle de la droite et du centre. Primaire, ce parangon de la démocratie made un USA tient bien toutes ses promesses même si elle n’atteint pas la démesure grotesque de la politique spectacle à épisodes américaine.  Elle nous offre une première surprise avec le choix massif de François Fillon contre Alain Juppé et une forte participation de 4 millions de votants. Plusieurs éléments peuvent cependant justifier ce résultat : le choix de Fillon de durcir sa campagne à droite a été payant chez les électeurs de droite mais il a surtout profité de son image de catholique traditionnel de la France rurale de l’ouest et a pu rallier ainsi les votes des soutiens de la Manif pour tous et des réseaux catholiques. L’influence de Marc Ladreit de Lacharrière a pu jouer pour la mobilisation de ces réseaux. C’est certainement pour cette raison que la candidature à la primaire de Hervé Mariton, grande figure de la Manif pour tous avait été écartée : il ne fallait pas détourner ces voix « catholiques » du vote Fillon.  Plusieurs instituts de sondage ont estimé à 15% le nombre d’électeurs de gauche ayant participé à cette primaire ; ces électeurs ont sans doute voté Fillon en le considérant comme candidat virtuel plus facile à battre que Juppé. Les gracs n’ont donc pas joué un rôle direct déterminant dans ce choix de Fillon.

La primaire citoyenne de la gauche se déroule le 22 et 29 janvier 2017 : elle va déboucher sur une deuxième surprise. C’est l’outsider Hamon qui va l’emporter contre Valls. Environ deux millions d’électeurs ont participé au vote mais des polémiques ont surgi après le scrutin ; il y a eu des cafouillages sur le nombre d’électeurs et celui des bureaux de vote, plusieurs journalistes ont affirmé avoir pu voter 2 ou 3 fois. Par ailleurs, le scandale Fillon, révélé par le Canard enchainé, a démarré entre les deux tours de la primaire citoyenne ouvrant une voie royale aux autres candidats et surtout à Macron à condition que Valls ne soit pas choisi. Compte tenu de l’état de délitement et de fracturation du PS on se doit d’envisager différents champs d’action possibles pour interpréter ce résultat. Parmi les électeurs de base socialistes un certain nombre ont choisi l’option la plus à gauche par réaction aux lois régressives et au passage en force du 49-3 ; l’impopularité de Hollande a joué dans le même sens. On mesure ici le poids du conditionnement médiatique et l’habilité de Macron qui a su à la fois arborer le costume de la réforme et de la nouveauté tout en se délestant partiellement du poids de la régression sociale sur Manuel Valls et en quittant le navire au bon moment. Hamon a su miser sur la carte du raidissement à gauche et a bénéficié d’un bilan positif dans ses fonctions ministérielles mais cela n’aurait pas suffi à le hisser à ce niveau-là. D’autres considérations plus tactiques et stratégiques sont intervenues. L’élimination de Fillon semblant acquise, la victoire de Hamon à la primaire citoyenne permettrait non seulement d’éliminer Valls, sérieux concurrent de Macron mais pourrait siphonner  des voix à Mélenchon l’empêchant d’accéder au second tour de la présidentielle. Vu la puissance des réseaux macronistes au sein du PS il n’est pas impossible que la victoire de Hamon ait pu être favorisée à l’intérieur même de la structure du parti ; on rappellera à ce propos que l’organisateur de la primaire citoyenne Christophe Borgel avait coordonné la campagne de DSK et était très proche de l’ex-bande de jeunes de DSK récupérée par Macron, les Guerini, Emelien et autre Griveaux. Les thèmes de la campagne Hamon, revenu universel, visa humanitaire, constitutionnalisation des biens communs ou 50% de renouvelables dès 2025, sont un peu surréalistes dans un PS moribond et semblent plus destinés à la pêche des voix Mélenchon qu’à la victoire à la présidentielle. Même le vainqueur de la primaire écologiste, Yannick Jadot s’y est laissé prendre puisqu’il s’est rallié à Benoit Hamon, tout seul de son plein gré !

 

L’effraction est consommée. Les dés sont jetés. La Présidentielle de 2017 va pouvoir se jouer entre les quatre candidats réellement en lice, Macron, Fillon, Mélenchon, Le Pen. Les médias-macron ont joué leur partition. Les affaires Fillon, Le Pen sur les attachés parlementaires fictifs n’ont cessé de prendre de l’ampleur, Fillon s’est même pris dans la tronche les costumes de Bourgi, un fidèle de Sarkozy. Macron a fait quasiment le plein de l’éléctorat socialiste de base et d’une partie de l’électorat de Sarko très remonté contre Fillon après l’affaire Jouyet-Fillon ; Hamon fait un bide car ses électeurs sont partis chez Macron, mais a-t-il pris à Mélenchon les 600 000 et quelques voix qui lui manquent pour être au deuxième tour face à Macron. Peut-être ?     Certains pleurent encore sur un accord PS-France insoumise qui aurait pu sauver la gauche mais c’est vraiment de la politique fiction relevant du surréalisme. Peut-on imaginer un seul instant le PS des Hollande, Valls, Le Guen, Collomb, Huchon, Le Drian et d’autres signer un accord avec Mélenchon ?

Macron est massivement élu au second tour suivant une machinerie électorale bien établie.

L’Effraction est réussie. Le Gang est dans la place.

La France a toutes les raisons d’être malheureuse et inquiète.

La brutalité de l’Histoire ne va pas tarder…

police deshumanisée

police deshumanisée

Le rôle des médias dans la perception des syndicats

bon Berger, méchant Martinez!

 

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